Changer de logo pour changer de ville ? Ce que le nouveau visage des TCL dit de nous
- Alex Frerault
- 18 juin
- 4 min de lecture
Il y a des logos qu’on remarque à peine, mais qu’on identifie sans y penser. Le logo des TCL en faisait partie. Trois lettres rouges, droites et denses. Pas vraiment un design, plutôt une signalétique. Un code couleur plus qu’une émotion. Une inscription dans la ville, aussi discrète qu’indispensable.
Et puis un jour, le logo change. Les lettres s’arrondissent. Une flèche s’invite. Les rouges se diluent. Une page se tourne.
Mais un logo, surtout quand il s’agit de transports publics, n’est jamais qu’un logo. C’est un geste. Un signal. Une boussole. Ce changement d’apparence en dit long sur la mutation d’un territoire, sur sa vision du commun, et sur notre façon d’habiter la ville.

Un logo de transport, vraiment ? Ou un manifeste silencieux
On pourrait croire qu’il s’agit simplement de moderniser une marque. Ce serait rater l’essentiel.
Changer le logo des TCL, c’est toucher à quelque chose de plus profond : notre imaginaire collectif de la ville. Les transports en commun ne sont pas qu’un service ; ils sont une colonne vertébrale, une promesse, une vision politique. Ils incarnent la façon dont une métropole veut se relier à elle-même.
Unifier les bus périurbains, les tramways urbains, les cars intercommunaux, les navettes express et les lignes de métro sous un même visuel, ce n’est pas une opération graphique. C’est une déclaration d’unité, d’inclusion, de continuité. C’est dire : “Vous êtes tous Lyon, même si vous habitez loin de Bellecour.”
Design : l’art de faire passer une idée sans en avoir l’air
Le nouveau logo s’habille de courbes douces, d’une typographie aérée, d’un “C” traversé d’une flèche vers la droite – discrète, mais évidente. C’est le genre de symbole qu’on regarde sans le voir, mais qui oriente notre lecture du réel.
Ici, on ne transporte plus seulement des gens. On accompagne, on guide, on avance.Le design devient narratif, presque pédagogique. Il remplace l’ancienne autorité (droite, encadrée, rouge) par une dynamique plus conviviale. Moins institutionnelle, plus sensible.
Cela nous dit aussi autre chose : aujourd’hui, le service public doit séduire. L’époque où il pouvait se contenter d’être utile est révolue. Il doit être désirable. Inspirant. Il doit parler le langage du marketing – sans trahir sa mission.
Un objet graphique comme outil politique
Ce logo est une pièce d’un puzzle plus large : celui d’une mobilité repensée, plus fluide, plus juste, plus verte.Il est lancé en même temps que :
des tarifs solidaires ,
la gratuité pour les enfants,
la fusion de réseaux jusqu’ici fragmentés.
Le graphisme devient donc le messager silencieux d’un virage social. Il incarne, en creux, une politique. Il traduit une volonté. Il affirme une ambition : faire des transports un bien commun visible, simple et partagé.
C’est un outil de démocratie visuelle. Un dessin pour dire : “On vous a compris.”
La ville comme espace de marque
On l’oublie souvent, mais une ville est aussi une galerie de logos en mouvement.Chaque station, chaque rame, chaque abribus est une micro-affiche. Ce que porte le logo TCL aujourd’hui, c’est plus qu’un nom : c’est une signature permanente sur les murs, les sols, les objets roulants.
En cela, le logo devient un acte d’occupation du territoire. Il redessine l’identité urbaine, comme un blason municipal d’un genre nouveau.
Et à force de côtoyer ce symbole au quotidien, on finit par l'intérioriser. Il devient une partie de notre carte mentale de la ville. Un point d’ancrage. Comme le lion de Peugeot, le M de McDonald’s ou l’étoile du métro parisien. Il entre dans la culture, même à notre insu.
Une image pour dépasser les frontières invisibles
Le vrai pouvoir de ce logo, ce n’est pas de plaire. C’est de faire tomber les murs.Ceux entre Lyon et Villeurbanne. Entre la ville et sa périphérie. Entre le centre et “les autres”.En réunissant tous les transports sous une même identité, la métropole fait un pas vers une forme de démocratie géographique. Elle gomme les différences, les barrières symboliques, les logiques de castes territoriales.
Ce que dit ce logo, c’est aussi ça : “Peu importe d’où vous partez, vous êtes déjà dedans.”
Le paradoxe de la nouveauté : séduire sans perturber
Changer un logo, c’est aussi prendre un risque. Le familier rassure. Le nouveau interroge. Il faut alors réussir un équilibre subtil : être lisible, mais nouveau ; reconnaissable, mais pas ringard ; public, mais pas rigide.
Ce logo tente de tout conjuguer à la fois. Il avance masquer : suffisamment neutre pour ne fâcher personne, mais assez moderne pour tourner la page.
La réussite ? Ce sera à l’usage. Il faut voir si les usagers s’en emparent. S’ils l’aiment, le photographient, le détournent, le portent peut-être un jour sur un sweat. Si un logo devient un symbole partagé, c’est qu’il a rempli sa mission.
Conclusion : une flèche dans un “C”, et des milliers de directions
Ce logo, au fond, est comme les lignes qu’il incarne : il relie des mondes, des zones, des individus. Il trace une trajectoire collective dans une époque fracturée.
Il n’est pas parfait, mais il est parlant. Il ne change pas la ville à lui seul, mais il l’exprime. Il n’impose rien, mais il suggère une manière d’être ensemble. En cela, c’est bien plus qu’un signe graphique. C’est un symbole d’époque.
Et dans cette époque incertaine, chaque petit repère graphique compte.
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